Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 1, 1926.djvu/58

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M. Giolitti, président du Conseil, et avait insisté pour que les Turcs fussent relaxés. Il y avait urgence. En Tunisie, les indigènes commençaient à s’échauffer. Déjà, ils avaient prié M. Alapetite, résident général, de me transmettre une adresse où ils faisaient appel à l’énergique intervention du gouvernement français. Mais, à Rome, on amusait le tapis. On avait envoyé à Cagliari un inspecteur du service sanitaire pour interroger les prétendus officiers turcs. Lorsque, cédant à nos instances, le cabinet italien promit enfin de rendre les vingt-neuf prisonniers à la France, il éleva encore la prétention que l’inspection faite à Cagliari par son fonctionnaire fût considérée comme probante. Le Conseil des ministres, que je convoquai pour examiner cette demande, fut unanime à juger qu’il était impossible de l’accepter et que c’était à la France, comme l’avait reconnu M. Tittoni, de procéder à une enquête sur l’identité des Turcs. Après de nouveaux tâtonnements, MM. di San Giuliano et Barrère arrivèrent enfin à la signature d’un accord. Il était convenu que les questions dérivant de la capture et de la saisie momentanée du Carthage seraient déférées à l’examen de la cour internationale d’arbitrage de la Haye. Les circonstances spéciales dans lesquelles avait été accomplie la saisie du Manouba et des passagers ottomans, ainsi que les conséquences qui résultaient de cette mesure devaient être soumises à la même juridiction. Pour que fût rétabli le statu quo ante, les passagers turcs seraient remis à notre consul de Cagliari et ramenés à Marseille. Là, nous procéderions à l’examen de leur identité et nous ne laisserions se rembarquer pour la Tunisie que ceux qui feraient vraiment partie de la mission