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LA COMMISSION DU SÉNAT

commission qui n’était pas sans savoir ce qui se racontait autour du gouvernement. Je ne m’expliquais pas moi-même l’intempestive et dangereuse sortie du président du Conseil. Quelques jours auparavant, dans un entretien que j’avais eu avec lui, au ministère de l’Intérieur, il m’avait parlé des indiscrétions qui couraient Paris et qu’il attribuait au quai d’Orsay. Pas un instant, il n’avait alors songé à contester qu’au cours des négociations avec l’Allemagne et, en particulier avec le baron de Lanken, il se fût servi d’intermédiaires ou, tout au moins, comme il l’a dit depuis, d’informateurs de son choix. Il s’était trouvé, m’avait-il affirmé, dans la nécessité de surveiller, plusieurs fois, comme président du Conseil, la marche des pourparlers, parce que le ministre des Affaires étrangères, qu’il jugeait sans bienveillance et même sans équité, ne les dirigeait pas toujours à son gré. Et il m’avait demandé : « Si la commission m’interroge à ce sujet, que pensez-vous que je doive dire ? — Je vous conseille, avais-je répondu, de déclarer simplement : « Comme chef de gouvernement, j’étais responsable des négociations. Je n’ai pu m’en désintéresser, et je me suis servi des agents auxquels il m’a paru utile d’avoir recours. Je n’ai rien voulu faire que dans l’intérêt public. » Et j’avais conclu : « Bien que la commission ne semble pas approuver tous les moyens que vous avez cru devoir employer, elle ne vous demandera, sans doute, pas de vous expliquer davantage. C’est le résultat que nous avons à juger. »

M. Caillaux m’avait remercié de mon conseil et m’avait paru dispose à le suivre. Et voilà cependant que, sans être questionné par personne,