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LA COMMISSION DU SÉNAT

sonne n’y croyait et ne la prévoyait six mois avant qu’elle éclatât. Il n’y a donc pas eu grand mérite à n’en pas entretenir les intéressés, puisqu’on n’en parlait pas. Elle fut le produit d’un ensemble de circonstances survenues simultanément, où la volonté des hommes n’eut qu’une faible part. On savait généralement ici que ni le roi, ni son ministre des Affaires étrangères, ni le président du Conseil, n’étaient favorables à une aventure tripolitaine ; l’opinion publique non plus ne s’y montrait pas portée. Les uns et les autres n’avaient pas prévu que la célébration des fêtes du cinquantenaire de l’indépendance aurait pour effet de surexciter le sentiment public et de déchaîner le chauvinisme national. L’expédition de Fez[1], suivie de celle des Espagnols[2], porta l’Italie à envisager pour elle des réalisations ; mais ce fut surtout l’entrée en scène de l’Allemagne à Agadir, les prétentions de partage qu’elle produisit alors, qui furent la cause directe et déterminante de l’action italienne contre Tripoli. En sorte qu’on peut dire que, si une puissance est responsable de la guerre italo-turque, cette puissance est l’Allemagne. »

Une curieuse conversation de M. Isvolsky et de M. Tittoni, rapportée par le premier, corrobore l’opinion de M. Barrère.

Dès le mois de septembre 1911, les deux ambassadeurs de Russie et d’Italie s’étaient entretenus des espérances que l’on caressait à Rome. « Quelle sera, avait demandé Isvolsky, l’attitude des alliés de l’Italie ? » Et M. Tittoni lui avait confirmé ce

  1. De 1911.
  2. De 1911, à Larache et à El-Ksar.