Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 1, 1926.djvu/64

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dans nos conversations, en affirmant, vous, l’amitié de la France pour l’Italie, moi, celle de l’Italie pour la France, nous avons reconnu que l’amitié entre deux nations doit avoir un fondement plus solide, qui ne peut être que l’appréciation équitable, bienveillante et constante des intérêts politiques et économiques respectifs. Tout le peuple italien est, en ce moment, étroitement et admirablement uni dans un noble élan de patriotisme et de solidarité nationale… » Ici le texte primitif que M. Tittoni avait eu la prévenance de m’envoyer le mercredi portait : « …et il est naturel qu’il soit sensible surtout aux sympathies de ceux qui comprennent sa mission civilisatrice. » Il était difficile de savoir si cette dernière phrase contenait, à l’adresse de la France, un blâme ou un éloge. Je n’avais pas voulu cependant élever la moindre objection ; et c’est spontanément que le lendemain, avant la cérémonie, l’ambassadeur m’avait écrit qu’en relisant son discours, il trouvait le passage peu clair et qu’il y comptait substituer le suivant : « Rendons hommage à la mission civilisatrice qu’il accomplit. » Cette fois, il n’y avait plus qu’un éloge, qui, il est vrai, s’adressait à l’Italie.

M. Tittoni était sorti de la Sorbonne très satisfait et le lendemain il s’était empressé de m’envoyer ce mot aimable :

« Mon cher Ministre,

« Je suis encore sous l’impression de la magnifique manifestation d’hier soir, à laquelle votre présence a donné tant d’éclat. Permettez que je vous renouvelle encore une fois mes remerciements pour les paroles si aimables que vous avez eues