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LA VICTOIRE

Clemenceau sur le dos. « Il est venu hier 30 mars ; il revient dîner le 1er  avril. » Foch me montre une lettre qu’il a écrite au président du Conseil pour lui demander de préciser sa situation personnelle, qui est encore instable, et de lui faire reconnaître par les grands Alliés le droit de donner des directives aux généraux en chef. Il propose une addition à l’accord de Doullens.

Nous rentrons à Paris vers dix heures et demie du soir. Il est encore tombé trois obus dans l’après-midi de Pâques.

Je n’ai rapporté que dans l’ensemble les opérations militaires qui ont suivi la réunion de Doullens. J’ai connu depuis certains détails des combats qui se sont livrés. Ils ont été très rudes, comme le prouve l’intervention du 171e régiment d’infanterie. Appelé de Lunéville, où il cantonnait, il était composé en majeure partie d’officiers et de soldats du territoire de Belfort, du Doubs et du Jura, tous très braves gens et gens très braves.

Le bataillon qui était sous les ordres du commandant Ernest Blavier (un de nos excellents amis}, dut s’embarquer à Sarcieux, près de Saint-Dié, vers midi le 26 mars 1918. Le régiment sait que les Allemands ont attaqué et que les choses ont mal tourné pour nous dans le Nord. Le 28 mars, vers quatorze heures, le commandant et ses hommes débarquent fatigués par deux journées de chemin de fer, à l’embranchement de Breteuil. Les employés de la gare sont très anxieux. Les uhlans, disent-ils, ont été vus dans les environs. Des camions transportent nos hommes à Sauvillers, ils croisent de très nombreux détachements anglais qui battent en retraite à travers champs. À Sauvillers quelques cavaliers français disent qu’entre nous et les Allemands il n’y a plus aucune troupe alliée. Le bataillon passe la soirée à creuser des tranchées en avant de Sauvillers