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LA VICTOIRE

saleté. J’ai vécu avec Caillaux dans une grande intimité ; je ne veux pas, je ne puis pas le livrer. — Mais votre femme, votre frère que vous aimiez ? » Bref, au bout d’une heure et demie, Bolo a dit : « Eh bien, je parlerai. » Me Salle a couru chez Ignace et l’a prévenu. On a aussitôt envoyé à la Santé, non pas Bouchardon, qui, paraît-il, méduse Bolo, mais un de ses adjoints, Mornet. Me Salle assistera à la déposition.

Le rejet du recours en grâce avait été signifié au gouvernement militaire. Mais si les révélations de Bolo sont sérieuses, il est probable que le sursis à l’exécution sera demandé par le juge et accordé par le gouvernement militaire.


Lundi 8 avril.

À huit heures du matin, départ en auto avec le général Duparge pour Breteuil, Q.G. du général Debeney. Là, dans le vieux château de Breteuil, je trouve, avec Debeney, Pétain et Fayolle. Tous trois jugent la situation fort améliorée, mais ils redoutent encore que l’armée Rawlinson ne tienne mal devant Amiens et même que Haig ne conserve l’arrière-pensée de se faire encore relever par nous sur une partie de son front. Pétain craint, et c’est aussi l’avis de Debeney, que les Allemands, qui amènent leur artillerie lourde, ne fassent ces jours-ci une attaque nouvelle. Pétain ne croit pas pouvoir les devancer faute d’effectifs suffisants. Il reste toujours aussi défensif. Pendant que nous conférons, Rawlinson arrive et, d’accord avec Pétain, Fayolle et Debeney, j’insiste pour que ses troupes défendent énergiquement leur front et gardent à tout prix le contact avec nous. Il me paraît dans des dispositions favorables. Mais Pétain et Debeney ont peu de confiance en lui. Debeney dit nettement qu’il vaudrait mieux abandonner Calais que de laisser