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LES SCRUPULES DE DENYS COCHIN

dans l’opinion des personnes qui réfléchissent.

Émile Picard, candidat au fauteuil de Ségur, me fait la visite usuelle.

Cochin vient dans la matinée me confesser une fois de plus ses scrupules de conscience. Il a été nommé par la commission des Affaires extérieures de la Chambre, membre de la sous-commission chargée d’examiner le dossier autrichien. Or, il regrette la polémique de Clemenceau, et la publication des pièces, et d’autre part, il ne veut pas attaquer Clemenceau ni ébranler le cabinet. Il s’imagine, du reste, qu’en 1917, l’Autriche était d’accord avec l’Allemagne pour faire la paix, et que l’Allemagne nous aurait restitué l’Alsace et la Lorraine. Ce sont, dit-il, des renseignements qui lui sont venus par le Vatican. Je tâche de lui démontrer l’inexactitude de ces informations, et de lui prouver que l’Allemagne n’était nullement disposée en 1917 à nous rendre nos provinces. L’empereur Charles demandait, d’ailleurs, le secret vis-à-vis de l’Allemagne. Il disait qu’en cas d’indiscrétion, il serait forcé d’envoyer des troupes sur notre front. Cochin paraît se rendre à mes raisons. Il conclut qu’il faut prendre son parti de la situation, et favoriser la politique des nationalités en Autriche, puisqu’on a brûlé, d’autre part, ses vaisseaux. Cochin affirme que, dans son ensemble, la commission est hostile à Clemenceau et qu’elle cherche à lui créer des difficultés. Quant à lui, il désire le maintien du ministère jusqu’à la fin de la bataille et jusqu’à la victoire.

Franklin-Bouillon, président de la commission, vient à son tour. Il a tout fait, déclare-t-il, pour empêcher la communication du dossier autrichien et pour détourner la commission d’en prendre connaissance. Mais Clemenceau lui a répondu qu’il ne pouvait pas suivre son conseil et la commission une fois saisie, a exigé la communication de