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LA VICTOIRE


Vendredi 11 janvier.

Rien… De plus en plus, je suis tenu à l’écart du gouvernement. Les Conseils se raréfient, chaque ministre travaille seul avec Clemenceau. Où est le temps où les Conseils se tenaient tous les jours et où il y avait vraiment action commune ?


Samedi 12 janvier.

Ignace, que j’ai prié de venir, se rend à mon appel. Il est, me dit-il, très surveillé par la police personnelle de Caillaux. Je le prie de faire examiner comment l’Allemagne, après avoir versé 10 millions à Lenoir et Desouches pour mettre la main sur le Journal, en a pu verser 10 autres à Bolo pour le même objet. Il me montre un nouveau télégramme de Barrère indiquant qu’indépendamment des titres, il y avait dans le coffre-fort de Florence beaucoup de billets de banque, et demandant que le commissaire de police de Modane fût envoyé pour assurer le transport des pièces.


Samedi 12 janvier.

Vers 10 heures du soir, arrive dans mon cabinet Ignace qui est, me dit-il, envoyé par Clemenceau, empêché de venir lui-même. Le président du Conseil l’a prié de m’annoncer qu’on procéderait lundi matin à l’arrestation de Caillaux. On n’a pas jugé nécessaire d’attendre les papiers d’Italie. Les télégrammes de Barrère sont assez explicites. Mais il vient de se produire un incident. L’ambassadeur des États-Unis a transmis à Clemenceau une pièce fort importante, le déchiffrement d’un télégramme de Luxbourg, ministre d’Allemagne à Buenos-Ayres. Ce télégramme a été envoyé en Allemagne par l’intermédiaire de Bernsdorf et de la valise suédoise pendant que Caillaux était en Argentine. Luxbourg rapporte qu’il a pris contact avec Caillaux par des intermédiaires sûrs.