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LES PRISONNIERS RAPATRIÉS

auquel il faut s’attendre avec la main-d’œuvre. Mais on est en présence de la carte forcée ; on ne peut désavouer des négociateurs qui ont obéi aux instructions de Clemenceau. Je demande : 1o que les prisonniers rapatriés restent sévèrement mobilisés ; 2o qu’on poursuive ceux qui se sont rendus volontairement ; 3o qu’on le fasse savoir au front pour éviter les dangereuses imitations que redoute le général en chef ; 4o que les rapatriements soient espacés comme nous en avons le droit, si des inconvénients sont signalés. Tout cela est entendu ; mais des espérances scabreuses ont été éveillées et il est difficile de retarder l’exécution totale. Alors les Allemands auront à leur disposition les ressources nouvelles que nous leur aurons rendues.

Loucheur lit une note fort intéressante de M. Devise, du Creusot. Celui-ci a eu, le 20 juillet 1914, une conversation avec le docteur von Mühlen, de la maison Krupp, lequel lui a annoncé le prochain ultimatum autrichien, l’accord de l’Autriche et de l’Allemagne, la volonté de cette dernière de faire la guerre à la Russie et à la France et de rompre l’alliance franco-russe. Le 22 juillet 1914, M. Devise est venu donner ces renseignements au Quai d’Orsay. Il y a été reçu par des employés qui n’ont pas attaché d’importance à ces informations et ont déclaré que tout était normal. Le 29 juillet, M. Devise a prévenu l’État-major général. Loucheur remet la note à Pichon qui dit simplement qu’il en existe déjà une au Quai d’Orsay.

Au commencement de l’après-midi, Pichon, Jules Cambon et William Martin, qui doivent se rendre aujourd’hui à la Commission des Affaires étrangères de la Chambre, viennent pour contrôler leurs souvenirs avec moi. Jules Cambon se rappelle très bien avoir indiqué au prince Sixte