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L’ARCHEVÊQUE DE COLOGNE ET LE VATICAN

Le radio allemand annonce 25 000 prisonniers franco-anglais.

Vers sept heures du soir, un obus tombe derrière le bazar de l’Hôtel-de-Ville. On annonce plusieurs victimes. Je me rends sur les lieux par une fin d’après-midi charmante et lumineuse qui contraste douloureusement avec mes anxiétés. Le coup a porté sur le sommet d’une maison, a défoncé le grenier et écrasé la tête d’une pauvre femme qui se trouvait là et dont le cadavre est épouvantable. Contrairement à ce qui m’avait été dit, il n’y a heureusement aucune autre personne atteinte. Je rentre.

Clemenceau, revenu du front, fait téléphoner par Mandel qu’il sera à l’Élysée à dix heures et quart. Un peu plus tard, nouveau coup de téléphone. Clemenceau, fatigué de son voyage, ne viendra que demain matin. J’ai l’impression que ces fatigues renouvelées sont une conséquence de l’opération que le président du Conseil a subie avant la guerre.


Jeudi 30 mai.

L’archevêque de Cologne fait demander par le Vatican que les Alliés ne bombardent pas sa ville aujourd’hui, jour de la Fête-Dieu. Les Anglais ont adhéré. Le cardinal Amette, pressenti par le Vatican, a prévenu Cambon ces jours derniers. Sur l’ordre de Clemenceau, Cambon a prié le cardinal de s’adresser directement à Clemenceau. Cambon a ajouté de lui-même : « Si Votre Éminence veut m’en croire. Elle ne fera pas cette démarche (qui pourrait provoquer une lettre de Clemenceau un peu vive à l’égard du pape) et Elle ne répondra pas à Rome. » Le cardinal a suivi ce conseil.

Les Allemands qui demandent qu’on respecte la Fête-Dieu chez eux, ont commencé à tirer sur nous ce matin dès sept heures. Le premier coup