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L’OFFENSIVE ALLEMANDE

ne pas faire d’offensive avant l’offensive allemande.

D’autre part, dès que l’attaque a commencé, Pétain a demandé à Foch de faire descendre le plus tôt possible des divisions de Flandre et de la Somme. Le mouvement de descente a été malheureusement assez lent et les divisions débarquées hier dans la région de Dormans n’ont pas encore leur artillerie.

Les critiques que Dubost m’a renouvelées au sujet de Clemenceau ne m’empêchent pas de retenir, d’autre part, ce qu’il y a de bon et de fort dans le président du Conseil : son souffle patriotique, qui est très ardent, son intelligence qui est très vive, sa popularité qui lui donne de puissants moyens d’action. Ce qu’il y a en lui, comme le répète Dubost, de mauvais et de périlleux, c’est la coquetterie des décisions rapides, travers qui a pour conséquence les actes irréfléchis et ensuite les repentirs, la contradiction, la versatilité, les à-coups, l’incurable légèreté dont parlait Jules Ferry, l’habitude de prendre des impressions pour des opinions. À onze heures, Clemenceau vient avec Klotz. « J’ai amené du renfort, me dit-il, parce que j’ai à me plaindre de vous. »

— Ah ! voyons !

— Je veux d’abord vous renseigner sur la situation. Je ne rends jusqu’ici personne responsable. Je n’ai pas pu faire interroger le général Duchesne et si je le vois cet après-midi aux armées, je ne lui demanderai rien personnellement. On peut évidemment s’étonner que les ponts de l’Aisne n’aient pas été coupés : ce sera une enquête à faire, mais il ne faut pas déranger Duchesne pendant l’action, d’autant plus qu’il s’y donne tout entier. Hier, je l’ai vu à deux kilomètres de l’ennemi, dans la région de Fère-en-Tardenois. Il est très courageux et ne cesse de s’exposer.