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LA VICTOIRE

Je crains que Reims et Dormans ne soient pris aujourd’hui. Mais Pétain prépare une opération pour arrêter et rejeter l’ennemi. Il n’y a donc qu’à patienter. Voilà pour la situation. Quant à ma plainte, voici :

« J’ai appris qu’en mon absence, vous avez fait venir Cambon et Briand et tous les deux, en sortant de chez vous, ont vivement critiqué Pétain. Alors j’ai voulu, devant Klotz, en causer avec vous. Je sais très bien que vous ne voulez pas me tirer dans le dos. Je sais bien aussi que vous avez des amis. Par exemple, encore Barthou, qui dit à tout le monde : « Je suis très ministériel », et qui multiplie ensuite les critiques. Eh bien, Cambon, qui entre dans mon cabinet comme dans un moulin et qui est une vieille portière, raconte partout que vous êtes très sévère sur le compte de Pétain. De même Briand, qui est allé voir Henry Simond, son ami personnel et qui, en sortant de chez vous, lui a dit que Pétain avait commis des fautes certaines.

— Eh bien, tout cela est pure imagination. J’ai fait venir Cambon avant-hier d’accord avec vous pour le prier d’aller trouver le cardinal. Il m’a rapporté hier mon exemplaire de télégramme alors que je pensais qu’il me le renverrait sous pli. Je lui ai naturellement laissé deviner mon inquiétude et ma surprise que les ponts de l’Aisne n’eussent pas été coupés… Mais, je n’ai attribué en cela aucune responsabilité à Pétain, d’autant que, d’après ce que m’avaient dit les officiers de liaison, s’il y avait à faire sur ce point un reproche à quelqu’un, ce serait plutôt à Foch qui, d’après eux, s’est hypnotisé sur le Nord.

— C’est exact.

— Quant à Briand, il a une faculté de déformation que j’ai déjà souvent remarquée. Nous avons naturellement parlé de la situation mili-