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LA CAMPAGNE DÉFAITISTE

Je vous assure que vous vous trompez sur l’état d’esprit dans l’armée et dans le pays. Personne ne songe à la paix.

— Mais vous-même, riposté-je, vous vous plaignez de la campagne de Briand.

— Oui, mais le pays, lui, ne veut pas la paix.

— Croyez-vous que Briand ferait cette campagne s’il ne sentait pas des points d’appui ?

— Non, non, il n’y a rien à craindre. J’ai autorisé Pétain à interdire la Vague de Brizon. Quant au Populaire, il ne bat plus que d’une aile. On voulait même me l’offrir ces jours-ci. Mais je n’entre pas dans les combinaisons de ce genre. J’ai donné des ordres à la censure pour qu’elle ne laissât rien passer de ce qui vous concerne sans prendre votre avis.

— Il ne s’agit pas de moi. C’est tout à fait secondaire. Ce qui me préoccupe, ce sont les articles qui laissent croire qu’on a négligé des occasions sérieuses de faire la paix, ou d’autres de même genre.

    publique. Je vous assure, une fois de plus, que cette double campagne, qui se poursuit impunément, fait des ravages. Pour la paralyser, il me semblerait indispensable que le général en chef prît des mesures sévères afin d’empêcher les hommes de se rendre, leur fît savoir qu’en aucun cas ils ne seront rapatriés pendant la guerre et leur indiquât, dans des notes concises, et claires, les mauvais traitements auxquels ils seront exposés en Allemagne et les poursuites qui les attendront à leur retour. Mais je ne crois pas moins nécessaire, si la censure continue à être aussi indulgente pour les feuilles pacifistes, que le général en chef ait, du moins, le droit d’interdire absolument dans la zone des armées les journaux dont l’action démoralisatrice aura été démontrée par les rapports des chefs d’unités.

    « La saisie de quelques rares numéros est tout à fait inefficace. Vous me plaisantez amicalement chaque fois que je vous parle de la sorte, mais je suis bien forcé de croire qu’en temps de guerre la liberté absolue n’est pas aussi inoffensive que ces droits, puisqu’il me revient de toutes parts que des feuilles, évidemment créées, du reste, pour arrêter l’élan national et neutraliser cette impulsion, ont exercé hier sur l’esprit de certains ouvriers, et exercent aujourd’hui sur l’esprit de quelques soldats une influence déplorable.

    « Croyez, etc… »