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la victoire

idée et s’est rallié à une combinaison nouvelle, qui n’est pas elle-même, à mes yeux, sans inconvénient.

Je représente à Clemenceau qu’il se dessaisit d’un pouvoir qui lui appartient. Mais hélas ! il me répond : « Je désarme l’opposition. » Quant au projet de loi auquel songe le président du Conseil, il est destiné à réprimer et à punir de rétrogradation et de peines de droit commun les fautes professionnelles commises par les officiers généraux, et à instituer une juridiction spéciale chargée de les juger. J’objecte que ces fautes sont très délicates à apprécier et comme les conseils prévus comprennent une majorité de civils, — le premier président de la Cour de cassation, les présidents des Commissions parlementaires, — je fais remarquer à Clemenceau qu’on donne ainsi la décision à l’incompétence. À quoi Clemenceau répond sans rire : « C’est le régime ; la Chambre, elle aussi, est composée d’incompétences, et c’est elle qui gouverne. »

Je réplique que peut-être conviendrait-il de ne pas aggraver les inconvénients du régime, mais plutôt de les corriger. En vain.

Millerand, qui vient me voir, a appris par Abel Ferry que celui-ci devait conclure aujourd’hui devant la Commission de l’armée à un projet de ce genre et Millerand trouve cette idée folle et anarchique. Mais les journaux du soir annoncent déjà qu’elle est celle de Clemenceau, et qu’un Conseil des ministres est exceptionnellement convoqué pour l’examiner demain.

Millerand croit que ce projet va faire le plus grand tort au ministère Clemenceau.


Vendredi 19 juillet.

On téléphone du G. Q. G. que l’offensive a repris ce matin de notre part à la 10 et à la 5e ar-