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la victoire

conseil, car ni Klotz, ni Loucheur, ni Lebrun, ni même Leygues ne renouvellent les objections de l’autre jour. Sur le fond, Ignace fait remarquer qu’il a supprimé les mots imprudence et inattention, et il n’a laissé que négligence et inobservation des règlements. Leygues m’explique que c’est lui qui, dans une conversation avec Ignace, a obtenu cette suppression. Ignace indique qu’on avait songé, pour la composition du Conseil, au bâtonnier des avocats ou à des magistrats, mais qu’après réflexion, le président du Conseil et lui ont maintenu la constitution prévue.

Jeanneney expose, d’un ton froid et péremptoire, que la séparation des pouvoirs n’est pas un principe, mais un expédient pour empêcher l’usurpation des pouvoirs les uns sur les autres, qu’en fait, il n’y aura pas usurpation, que la Commission de l’armée est exactement renseignée sur toutes les opérations et que les présidents sont les hommes les plus compétents. Je fais remarquer au Conseil que les Commissions chargées du contrôle du gouvernement ne peuvent fournir des juges, que les deux rôles sont incompatibles. Mais Clemenceau répond : « Et la Haute Cour ? » J’objecte encore que le cabinet aura du mal à résister à une demande d’effet rétroactif et à l’amendement déjà déposé, qui tend à autoriser les généraux limogés à réclamer eux-mêmes la juridiction nouvelle. Clemenceau répond que le gouvernement combattra les amendements et l’emportera sans peine. Bref, son siège est fait. Aucun ministre ne me soutient. Je ne puis, constitutionnellement, que m’incliner. En maintenant mes réserves personnelles, je suis donc forcé de signer ce détestable projet.

Dans l’après-midi, Clemenceau m’envoie le général Boucabeille notre attaché militaire à La Haye. Celui-ci m’explique, avec une remarquable clarté, qu’il a créé en Hollande, avec le concours