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la victoire

prévenu, j’ai reçu moi-même Mordacq, qui m’a expliqué ses objections et celles de Clemenceau. J’ai répondu que c’était Fayolle qui, d’accord avec Pétain, avait fixé le jour et le lieu de la cérémonie et que je ne pouvais prendre sur moi de donner contre-ordre. À quoi Mordacq a répliqué que le ministère se chargerait volontiers d’enjoindre à Fayolle de rester chez lui. J’ai donc dû modifier mon itinéraire pour demain et m’arranger pour revenir par le quartier général de Fayolle. Celui-ci, me dit Herbillon, est navré de ne pouvoir venir à Château-Thierry.

Déjeuner d’adieux au ministre Gyldenstolpe.


Jeudi 25 juillet.

À sept heures du matin, par le train, avec le général Duparge, jusqu’à Nogent-l’Artaud, où m’attend le général Dégoutté. De là, avec celui-ci en auto découverte jusqu’à Château-Thierry. Dans les communes que nous traversons, notamment à Essomes-sur-Marne, les ruines commencent. Château-Thierry est très endommagé surtout par nos propres canons. La ville est remplie de soldats qui déblaient les décombres. Il n’est resté pendant l’occupation que cent quatre-vingts habitants dont la plupart sont des vieillards et d’autres, en petit nombre, des enfants. Sur la place du Palais de Justice, près de la Marne, autour d’un drapeau, une compagnie que me présente le général de Mondésir et qu’on a ramenée du combat pour servir de garde d’honneur au drapeau et permettre la remise de quelques décorations. Les hommes sont couverts de boue. Il y a également une section américaine que me présente un grand et gros général. Dans ce cadre de ruines et de dévastation, je passe en revue ces troupes et je distribue des décorations dont une est notamment conférée à un neveu de Clemenceau. Puis le sous-préfet me conduit,