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Henry Bérenger. Je remets à Jeanneney pour Clemenceau copie d’une lettre du cardinal de Paris et la réponse irlandaise.


Lundi 19 août.

Clemenceau, que je n’ai pas vu depuis mardi, vient à l’Élysée : « Tout va bien, me dit-il, tout va bien, sauf un point qui me préoccupe, c’est l’organisation de l’armée américaine et le fonctionnement de son état-major. Je ne suis pas encore tranquille à ce sujet. On a confié à Pershing l’opération de Saint-Mihiel. Il doit y employer un grand nombre de divisions et appliquer les plans français de Pétain. Or la préparation traîne ; tout le monde parle de ce projet à Paris ; il finira par n’être plus réalisable ; la surprise sera éventée et le beau temps passé. Je l’ai dit à Foch. Mais il est rassuré et confiant. Il serait fâcheux qu’un échec se produisît.

— Vous êtes satisfait, lui demandai-je, de votre visite à Haig ?

— Oui ; mais je ne lui ai pas parlé de sa nouvelle offensive ; j’ai laissé Foch traiter la question avec lui ; je ne veux pas paraître lui donner des ordres. Foch a dit que tout allait bien. Voulez-vous que nous lui remettions son bâton vendredi ou samedi ?

— À votre convenance. Voici les quelques mots que je me propose d’adresser ce jour à Foch et à Pétain. »

Je tends les deux papiers à Clemenceau. Il fait un signe pour les repousser : « Non, non, dit-il, c’est inutile ; je sais d’avance que c’est très bien.

— Il vaut tout de même mieux que vous lisiez d’avance mes projets.

— Eh ! bien soit, je lirai, mais je suis tranquille, vous faites ces discours-là parfaitement.

— Non, dis-je, je ne puis sortir de la banalité