Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/329

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Très ému, je prononce une allocution où j’essaie de mettre en lumière les enseignements donnés par Foch et les succès déjà remportés par lui[1].

Foch, encore plus ému que moi, répond avec simplicité : « Monsieur le président, je tâcherai d’être à la hauteur de la grande tâche que m’a confiée le gouvernement. Je vous remercie profondément. »

Nous entrons ensuite dans la grande salle du château. Foch nous y montre une carte où sont indiquées nos avances quotidiennes et celles des Anglais. Il est très satisfait des armées britanniques. Pétain, lui aussi, dit : « Cela va très bien. » Clemenceau, prenant Foch à part, l’entraîne dans un coin, après m’avoir murmuré : « Voulez-vous m’excuser cinq minutes, Monsieur le Président, j’ai à travailler de mon métier. » Je reste dans un autre coin avec Leygues et Loucheur, comme si nous étions de trop dans cet aparté militaire. Nous partons ensuite pour Provins. À chaque montée en auto, Clemenceau, malgré mon insistance, refuse de monter le premier et fait le tour par la gauche. Il me déclare : « Votre discours est la perfection » ; et il le répète devant Foch et Pétain. Dans l’auto, il m’explique l’objet de son aparté : les Italiens ont demandé pour leur offensive 500 camions que Pétain croit impossible de leur donner. Sur les entrefaites, Diaz a envoyé un officier à Foch, pour lui dire que, avec ou sans les camions, il ajournait toute offensive jusqu’à la prochaine réunion du Comité de Versailles. « Ils se fichent de nous, déclare Clemenceau ; ils ne font pas la guerre, ils n’auront droit à rien. »

Je lui parle, à cette occasion, des conventions de 1915 et je lui en résume les clauses principales. « Je les demanderai à Pichon », me dit-il. Je l’y engage fortement.

  1. V. Messages et discours, t.I. p. 270. (Bloud et Gay, éditeurs.)