Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/333

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Avant d’épingler les croix et les médailles, je prononce à voix très haute une allocution en italien, ce dont les hommes, rangés à distance, paraissent très satisfaits. Je remets des décorations : légion d’honneur, croix de guerre, médailles militaires. Puis les troupes défilent en bon ordre, malgré le terrain ondulé. Je pars ensuite avec le général Albricci pour les Islettes, jusqu’au pied du mont de Villers. Là, nous quittons l’auto pour monter à un observatoire, d’où nous découvrons, en pleine clarté, les lignes ennemies et les villages occupés par les Allemands : Boureuilles, Varennes et les derrières de Vauquois. Nous allons alors visiter les tranchées de première ligne. Je cause avec quelques soldats italiens. Les bois sont ravagés par l’ypérite. Toutes les fougères, toutes les feuilles sont roussies. Seuls m’accompagnent dans cette visite le général Albricci, le général Hirschauer et Duparge. Castelnau n’est pas venu, pour que nous ne soyons pas trop nombreux. Les tranchées sont, d’ailleurs, très calmes ; mais un certain nombre d’obus sifflent sur nos têtes et vont tomber derrière nous, vers le carrefour de la maison forestière. Nous revenons prendre nos autos, à l’arrière. Quelques habitants sont réinstallés depuis peu de jours dans les villages. Ils se plaignent que tout a été pillé dans leurs maisons. Je reprends mon train aux Islettes, dont toutes les maisons sont maintenant détruites et les officiers italiens, Castelnau et Gouraud viennent déjeuner dans mon wagon pendant que le train me mène à Villers en Argonne. Là, je me sépare de mes convives, sauf de Gouraud, avec qui je pars en auto pour son armée.

Je commence par aller avec lui, par Sainte-Menehould, à Vienne-la-Ville et au bois d’Hauzy. Là, je monte en sa compagnie et celle de Duparge et d’Hély d’Oissel, sur un wagonnet, traîné par