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LA VICTOIRE

man, préfet, le sous-préfet de Toul, Chapuis, sénateur, Poingard, député. Nous apprenons par eux que les six cents habitants que les troupes alliées avaient trouvés à Thiaucourt, ont été transportés au sud de Toul dans le camp de Bois-L’Évêque. Mirman, qui est allé à Thiaucourt hier, croit que nous aurons toutes les peines du monde à y arriver et que nous ferions mieux d’aller directement à Bois-l’Évêque pour y voir la population évacuée. Mais je tiens à faire les deux choses successivement et nous décidons de commencer par la visite de Thiaucourt.

L’aide de camp de Pershing continue donc à nous piloter avec les mêmes prévenances et la même activité. Nous reprenons notre route par Montauville. À l’entrée du village sont installées des batteries qui tirent par-dessus nos têtes et appuient une action américaine engagée au nord. Elles sont servies par des artilleurs français dont le bleu horizon tranche au milieu des uniformes kakis américains. Ce sont des pièces allemandes, capturées ces jours derniers et déjà utilisées contre l’ennemi. Les servants français reconnaissent mon fanion et agitent leurs képis joyeusement.

Nous passons par ce qui fut Regnieville et Fey, un monceau de pierres au milieu de terres bouleversées. Les convois deviennent de plus en plus nombreux. Le sol est labouré d’obus. Partout des cadavres de chevaux, des tombes américaines surmontées d’un petit drapeau étoilé ; trois soldats américains transportent un de leurs camarades mort. Ils le couchent dans une fosse qu’ils viennent de creuser. La fumée des éclatements enveloppe la verdure des bois. Des Américains se reposent dans les fossés au bord de la route. Des travailleurs préparent des rails pour chemin de fer à voie étroite. C’est un fourmillement indescrip-