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LE COLONEL HOUSE

cabinet et me dit qu’il a reçu lord Milner avec lequel Clemenceau et lui ont fini par s’entendre sur l’affaire turque. Tout sera renvoyé au Conseil supérieur interallié qui doit se réunir ces jours-ci à Versailles. Pichon ajoute qu’il croit à la capitulation immédiate de l’Allemagne. Je ne lui cache point que cet optimisme me paraît dangereux. Si nous laissons supposer que nous espérons cette capitulation, nous provoquerons fatalement des déceptions.

Hier, le colonel House, ami et conseiller de Wilson, a débarqué à Brest, accompagné de l’amiral Benson ; ils sont arrivés à Paris dans l’après-midi.

Lundi 28 octobre.

Le colonel House me communique, sans les laisser entre mes mains, les pleins pouvoirs qu’il tient de Wilson. Ce ne sont pas des lettres de créance auprès d’un gouvernement déterminé ; c’est une sorte de circulaire adressée par Wilson au monde entier et conçue dans les termes les plus autocratiques. Je fais au colonel House, le plus courtoisement possible, l’observation qu’il ne se trouve pas par cette circulaire accrédité comme ambassadeur auprès du gouvernement de la République française. Il me répond qu’il compte rester en France jusqu’à ce que nous ayons repris nos relations avec les pays visés dans ses pouvoirs. Il pense, du reste, que sous peu de temps, ces pays et nous, nous serons amis. Il est convaincu de la très prochaine capitulation de l’Allemagne. Puisse-t-il avoir raison ! Mais que de signes contraires ! Et quelle fâcheuse disposition d’esprit que de croire la capitulation inévitable, quand on doit faire effort pour l’obtenir !

Clemenceau et Pichon me communiquent la réponse que l’Autriche a faite à Wilson. Elle demande à la fois l’armistice et la paix et mêle les