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LA VICTOIRE

deux choses dangereusement. J’en fais la remarque ; Clemenceau et Pichon sont de mon avis. Tous deux restent toutefois dans le même état d’optimisme ; ils s’y enfoncent même encore davantage. Clemenceau me dit qu’il s’est mis d’accord avec Foch et avec Guillaumat pour les conditions à faire en Orient. On me les communiquera demain. Le Président du Conseil m’assure que Guillaumat lui a déclaré que les Allemands sont maintenant incapables de résister à nos attaques ; et lui qui, il y a quinze jours, me répétait : « La situation militaire n’est pas aussi bonne que vous le croyez, » il voit maintenant l’Allemagne à genoux ; et Pichon a la même vision.

« L’esprit public est excellent, reprend Clemenceau. Si vous aviez vu la foule ce matin lorsque je suis passé place de la Concorde ! » Par bonheur, il me promet d’être ferme sur les conditions de l’armistice et il ajoute que l’accord est complet avec les Anglais et qu’ils tiendront ferme, eux aussi.

Mercredi 30 octobre.

« J’étais hier très fatigué, me dit Clemenceau. Nous avions discuté très longuement les propositions de Wilson. House aurait voulu qu’on y souscrivît. Vous voyez cela d’ici ! Accepter la Société des Nations avant de savoir si l’Allemagne y entrera ! Enfin, nous avons discuté très longuement. J’avais préparé une lettre ; Lloyd George en a rédigé une autre, que j’ai trouvée moi-même meilleure et qui a été adoptée… Aujourd’hui, autre discussion avec Lloyd George, celle-ci tout à fait vive et même violente. Il s’agissait de l’armistice avec la Turquie. Je n’ai pu obtenir qu’il fût signé par notre amiral. Je l’avais demandé. Lloyd George a répondu : « Alors, il faudra le faire signer aussi par les Italiens et les Portugais. » Il