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LA VICTOIRE

seulement sur les conditions navales qu’il trouvait un peu dures. » Loucheur croit que l’Autriche est forcée de subir d’abord l’armistice avec passage de nos troupes. L’Allemagne, menacée d’être tournée, pourra se considérer comme battue ; autrement, non. Loucheur trouve Clemenceau et Pichon trop optimistes.

Clemenceau lui a laissé entendre qu’il s’adjoindrait pour les négociations des commissions de techniciens et notamment il a prié Loucheur d’étudier les questions économiques, en lui disant qu’il aurait à soutenir lui-même ses propositions.

Herbillon me dit que Foch et Pétain ne considèrent encore ni l’un ni l’autre l’Allemagne comme battue.

Loucheur sait par Foch ceci : House a demandé à Foch : « Pensez-vous qu’il faille continuer la guerre ? » Foch a répondu : « Je ne voudrais pas prendre la responsabilité de faire verser inutilement une goutte de sang ; si l’Allemagne accepte mes conditions d’armistice, je serai heureux. Mais si elle ne les accepte pas, mieux vaut continuer la guerre jusqu’à la victoire, qui est certaine. — Vous consentiriez à ce que ceci fût inscrit au procès-verbal ? — Certainement. » Et l’observation de Foch a été consignée par écrit.

Loucheur est très préoccupé de nos relations avec les Alliés que Clemenceau mécontente par ses vivacités verbales.

Samedi 2 novembre.

William Martin me dit que les officiers de notre mission en Italie sont stupéfaits et attristés du démenti cinglant envoyé à Orlando par Clemenceau. Le comte Primoli m’avait déjà indiqué ces jours-ci que la censure italienne avait interdit la publication de ce démenti dans les journaux italiens. Clemenceau épuise le meilleur de son énergie