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CLEMENCEAU ET LLOYD GEORGE

dans des injures personnelles et il n’a plus ensuite assez de force pour lutter avec l’Italie sur le fond des questions, ni pour la mettre en garde contre les dangers qu’elle fait courir à l’Entente par ses ambitions adriatiques. Comme l’écrivait hier Barrère, elle n’a pas tenu ses engagements du mois d’avril 1915[1]. Mais, comme je le répétais à Clemenceau, il a levé les bras au ciel en s’écriant : « Comment voulez-vous qu’on fasse ce reproche à l’Italie ? » De même, Clemenceau ferraille avec Lloyd George, qu’il a irrité par ses incartades, et alors Lloyd George agit maintenant tout à fait en dehors du gouvernement français et il n’y a plus d’accord diplomatique entre les deux pays.

Dimanche 3 novembre.

Dans l’après-midi, Dubost vient aux nouvelles. Pendant qu’il est à l’Élysée, vers cinq heures, Clemenceau me téléphone : « L’armistice autrichien est signé. — Ah ! très bien ! Je vous remercie. Tel quel ? sans modifications ?

— Oui, tel quel.

— Parfait. Mais c’est de l’exécution que les difficultés peuvent naître.

— Qu’est-ce que cela fait ?

— Les Italiens et les Yougoslaves vont se prendre aux cheveux.

— C’est probable.

— Ce n’est pas sans péril. Nous ne pourrons pas, sans doute, rester spectateurs impassibles.

— Oh ! maintenant, l’armistice allemand n’est plus qu’une affaire de semaines.

— Ou de mois… »

Clemenceau ne répond pas sur ce point. Il dit seulement : « Enfin, maintenant, nous pouvons être sûrs de terminer nos séances mercredi. »

  1. Voir les Tranchées, p. 161