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LES RÉUNIONS PUBLIQUES

n’a commencé à connaître la vérité sur la bataille de la Marne qu’en janvier 1915. Jusque-là, les journaux allemands ne lui avaient rien laissé deviner. Nous évoquons les souvenirs du début de la guerre et, à plusieurs reprises, il est très ému.

Saint, préfet de la Haute-Garonne, me rapporte que dans son département l’esprit est bon, meilleur que l’an dernier. Mais une partie des paysans est très âpre et se plaint de manquer de pain et de lait, quoique les bénéfices faits par l’agriculture soient considérables.

Marty, nouveau préfet des Bouches-du-Rhône, n’a pas encore pris possession de son poste. Il se demande si le gouvernement interdira les réunions et les conférences publiques. L’autre jour, au Conseil, il a été décidé qu’on interdirait les réunions publiques. Mais, sur cette question de propagande par la parole ou par la presse, Clemenceau est beaucoup moins catégorique depuis qu’il est au pouvoir. Il a visiblement peur de provoquer des conflits et, paradoxe étrange, on laisse tomber en désuétude les circulaires de Malvy.


Mardi 5 février.

Avant le Conseil, Pichon m’apporte son projet de quitus pour les fonds de propagande. Je lui fais remarquer que ce projet doit être soumis au Comité de guerre et que je ne puis d’ores et déjà le signer.

Clémentel m’informe que l’inspecteur des Finances Pellerin de la Touche, très excité par les poursuites contre Caillaux, s’est porté auprès de lui garant de son patriotisme et s’est plaint qu’on ne fît pas entendre Noblemaire, lequel expliquerait qu’à Rome Caillaux a commis des imprudences, mais non des actes de trahison ou de propagande coupable. Clémentel paraît se demander s’il y a des charges suffisantes contre Caillaux.

Conseil des ministres. Clemenceau explique à ses