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LA VICTOIRE

assailli de nouveau : ma tournée dans le Bois-le-Prêtre, le Rond-Point auquel les soldats ont donné mon nom, le cimetière, les tranchées de première ligne, notre récente visite avec ma femme, la joie des artilleurs qui tiraient avec des pièces allemandes.

Aujourd’hui le mur infranchissable est tombé ; et nous passons ; et nous descendons la douce vallée de la Moselle, toute ravagée par les obus.

Mais, à l’arrière du front ennemi, le spectacle de désolation cesse et la campagne reprend son aspect tranquille. Notre train s’avance lentement, lentement sur des voies qui viennent d’être rétablies et nous arrivons enfin devant la chère ville délivrée.

D’abord, je ne réalise pas bien cet événement si souhaité. J’ai les yeux brouillés par les larmes ; mon cœur bat à se rompre. Qu’ai-je fait, ô ma France adorée, pour mériter un tel honneur et pour te représenter ici dans nos provinces retrouvées ?

Dans la grande gare massive, colossale qu’ont construite les Allemands, nous débarquons. Pour la première fois depuis la guerre, je revêts avec l’habit le grand cordon.

Nous trouvons sur le quai le maréchal Foch. Une compagnie rend les honneurs et une musique joue la Marseillaise. Des fillettes en costume lorrain apportent des fleurs. D’autres font une haie charmante jusqu’à la salle d’attente de « l’Empereur », où Foch nous précède. Là sont groupés les généraux alliés, les ambassadeurs, les ministres, les membres des bureaux des Chambres.

Nous descendons par l’escalier large et solennel que décorent agréablement deux rangées de jeunes Lorraines fleuries.

Nous montons en voiture. Je prends Clemenceau avec moi. Le maire, M. Prevel, et le général Du-