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LA VICTOIRE

gouvernement n’a même pas refusé d’entendre les propositions de Jules Favre et de lui offrir le moyen de rendre la paix à la France. Lorsque, à Ferrières, des négociations parurent entamées au nom de Votre Majesté, on leur a fait un accueil empressé, et toutes les facilités furent accordées au maréchal Bazaine pour le mettre en relations avec Votre Majesté. Quand le général Boyer vint ici, il était possible encore d’arriver à un arrangement, si les conditions préalables étaient remplies ; mais le temps s’est écoulé sans que les garanties indispensables pour entrer en négociations aient été données. J’aime mon pays, Madame, comme vous aimez le vôtre, et je comprends les amertumes qui remplissent le cœur de Votre Majesté et j’y compatis bien sincèrement ; mais après avoir fait d’immenses sacrifices pour sa défense, l’Allemagne veut être assurée que la guerre prochaine la trouvera mieux préparée à repousser l’agression sur laquelle nous pouvons compter aussitôt que la France aura réparé ses forces et gagné des alliés.

« C’est cette triste considération seule et non le désir d’agrandir ma patrie, dont le territoire est assez grand, qui me force à insister sur des cessions de territoire qui n’ont d’autre but que de reculer le point de départ des armées françaises qui, à l’avenir, viendront nous attaquer. Je ne puis pas juger si Votre Majesté était autorisée à accepter les conditions que demandait l’Allemagne, mais je crois qu’en le faisant, elle aurait épargné à sa patrie bien des maux et l’aurait préservée de l’anarchie qui menace aujourd’hui une nation dont l’Empereur avait réussi pendant vingt ans à conserver la prospérité.

« Veuillez croire, Madame, aux sentiments avec lesquels je suis de Votre Majesté le bon frère.

Signé : Guillaume.