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ATTAQUE SUR LE FRONT ANGLAIS

Clemenceau vient me voir vers sept heures du soir. « Eh bien, me dit-il, cela ne va pas trop mal. Les Anglais ont peut-être inutilement cédé trop de terrain, mais ils tiennent. À la Chambre, il y a un flot de fausses nouvelles. On parlait de 20 000 prisonniers. Je suis allé dans les couloirs, le sourire aux lèvres, et j’ai remonté les esprits. Le préfet de la Somme a demandé qu’on évacuât Ham. On a dû prendre les mesures nécessaires. Si demain la journée n’est pas trop dure et si les Allemands ne redoublent pas leurs attaques, c’est, je crois, qu’ils sentiront la partie difficile et les choses iront bien pour nous. Mais pendant un mois, nous allons être sur le qui-vive. »


Samedi 23 mars.

À sept heures du matin, une détonation, qui se renouvelle une demi-heure plus tard, et plusieurs fois de suite encore, à vingt ou trente minutes d’intervalle. Je me renseigne à la préfecture de Police et au gouvernement militaire. On ne sait rien et on n’a vu aucun avion ennemi au-dessus de Paris. Cependant une bombe est tombée sur les quais ; une autre boulevard de Strasbourg, devant la gare de l’Est. On dit qu’il y a des victimes.

Je pars pour la gare de l’Est. Une bombe est effectivement tombée près de la station des tramways, sur la chaussée. Il y a six morts. Je me rends à l’hôpital de la rue des Récollets pour y saluer les corps qui y ont été transportés.

Je trouve le préfet de Police boulevard de Strasbourg. Il m’indique un autre point de chute rue Château-Landon. Je m’y rends et, pendant le trajet, j’entends encore une explosion. Une nouvelle bombe est tombée à peu de distance.

Rue Château-Landon, une maison à deux étages effondrée ; une femme a été tuée. Un apparte-