Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je n’avais eu jusqu’ici l’occasion de le rencontrer qu’une fois ou deux. J’ai causé assez longuement avec lui. Devant le péril inattendu qui menace les libertés de son pays, il paraît avoir mis provisoirement de côté toutes les préoccupations de parti. Il me parle du roi avec respect et de ses collègues du cabinet avec cordialité. Son esprit semble aussi alerte et aussi vif que son caractère froid et résolu. Il a une surdité fort intelligente, qui ne l’empêche pas d’entendre ce qu’il désire connaître et qui lui permet de laisser tomber tout ce qu’il tient pour négligeable. Il a beaucoup insisté auprès de moi pour que la cavalerie française envoyât des détachements sur la rive gauche de la Meuse, de manière à seconder l’armée belge et surtout à rassurer la population. C’est aussi la demande que le colonel Aldebert nous a fait transmettre par M. Klobukowski de la part du grand quartier général belge6. Le gouvernement de la République prévient le général Joffre, qui donne l’ordre au général Sordet de franchir la Sambre avec ses cavaliers et de s’avancer en Belgique, vers l’Est.

Jusqu’ici, les départements du Nord et du Pas-de-Calais n’ont pas été compris dans la zone des armées. Même après l’invasion de la Belgique, notre état-major se faisait difficilement à l’idée que la guerre pourrait être portée aussi loin dans la direction du nord-ouest. C’était toujours la généreuse illusion de ce plan XVII, qui prêtait à l’ennemi les sentiments chevaleresques de la France. Mais le nombre croissant des troupes allemandes signalées aux confins de la Belgique, l’importance