Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/159

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je suis forcé de rester immobile à l’Élysée, loin des lieux désolés où se décide le sort de la France.

M. Messimy me dit que probablement les trois armées d’Alsace, des Vosges et de la Lorraine, vont être groupées sous le commandement supérieur du général Pau, à qui le grand quartier général laissera une large initiative. J’ignore si cette décision est définitive et, en fait, elle va être abandonnée. Toujours est-il qu’hier, le général Pau atteignait en Alsace, cette charmante région que j’ai dans les yeux, la descente de la vallée de la Fecht aux approches de Colmar. Malheureusement, presque à la même heure, la 1re armée perdait la ligne de la Vezouse ; les soldats du prince Ruprecht de Bavière franchissaient notre frontière de l’Est ; nous repassions précipitamment la Meurthe et faisions sauter les ponts derrière nous ; l’artillerie adverse se postait sur les collines qui entourent Lunéville… Et maintenant la bataille est finie et le XXIe corps allemand fait dans la ville consternée une entrée d’apparat.

Plus au nord et près de Nancy, l’ennemi prononce, mais sans succès, deux violentes attaques sur le Rembêtant. Le général de Castelnau, qui vient de perdre un fils au champ d’honneur et que ce deuil a laissé, comme hier, absorbé tout entier par sa tâche patriotique, a donné l’ordre de résister sur tout le front, et sa 2e armée paraît déjà suffisamment reconstituée pour reprendre la lutte avec espoir de succès. La 1re armée a reçu, d’autre part, comme instruction de combiner son action avec la 2e, pour empêcher les Allemands de se glisser, comme ils vont, sans doute, le tenter, dans la trouée qui s’ouvre devant eux, au delà de la Mortagne et qui aboutit à cette petite ville de