Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/177

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espoirs qu’avait suscités la grande offensive de nos armées ? Le commandant en chef se réserve de recommencer la marche en avant à l’heure qu’il jugera favorable. Mais quand va-t-il pouvoir arrêter la retraite et fixer nos troupes ? De toutes manières, la guerre se prolongera ; elle ne se terminera plus en quelques journées de bravoure et d’enthousiasme. La victoire ne s’obtiendra qu’au prix d’efforts opiniâtres. Le devoir du gouvernement et le mien vont être, non seulement de dire la vérité au pays, mais de la lui faire accepter et de le préparer aux terribles épreuves qui l’attendent.

En donnant l’ordre de repli, Joffre a écrit au ministre de la Guerre : « Les craintes que les journées précédentes m’avaient inspirées sur l’aptitude offensive de nos troupes en rase campagne ont été confirmées par la journée d’hier qui a définitivement enrayé en Belgique notre offensive générale. » Et encore : « Force est de se rendre à l’évidence : nos corps d’armée, malgré la supériorité numérique qui leur avait été assurée, n’ont pas montré en rase campagne les qualités offensives que nous avaient fait espérer les succès partiels du début… Nous sommes donc condamnés à une défensive appuyée sur nos places fortes et sur les grands obstacles du terrain, en cédant le moins possible de territoire. Notre but doit être de durer le plus longtemps possible en nous efforçant d’user l’ennemi et de reprendre l’offensive le moment venu. » Je ne sais si ces appréciations ne sont pas un peu sévères pour nos troupes. La bravoure ne supplée pas à tout. Les Allemands viennent de nous donner la preuve que, sur un terrain bien organisé et avec un matériel puissant,