Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/185

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devant le danger, par la brutalité même de ses allures. Qui sait toutefois si, chef du gouvernement, il ne serait pas tenté de substituer au commandement militaire son autorité envahissante et trop souvent capricieuse ? Il n’aime pas Joffre ; il l’a bien des fois critiqué. Ne chercherait-il pas à le remplacer par un simple prête-nom ? Toutes ces questions m’obsèdent et je me demande, avec un peu d’effroi, quel serait, en cas de crise totale, mon devoir présidentiel.

La journée se traîne, plus lugubre encore que les précédentes. La nuit dernière, à 0 h. 45, le général Joffre a donné à nos armées du Nord l’ordre de la retraite générale. De son côté, craignant que Paris ne fût découvert, M. Messimy, après m’avoir prévenu hier de son intention que j’ai approuvée. a envoyé au G. Q. G., ce matin à cinq heures, le colonel Magnin, porteur d’un ordre ainsi conçu : « Ordre au général commandant des armées du Nord-Est : Si la victoire ne couronne pas le succès de nos armes et si les armées sont réduites à la retraite, une armée de trois corps actifs au minimum devra être dirigée sur le camp retranché de Paris pour en assurer la garde. Il sera rendu compte de la réception de cet ordre. Signé: MESSIMY. »

De toutes parts, sauf dans l’Est, la situation s’aggrave. En Belgique, l’ennemi a continué son mouvement en avant. L’armée anglaise s’est repliée sur la ligne Valenciennes — Maubeuge. Un corps de cavalerie allemand a été poussé sur Orchies, mais à l’est, bien que le Ier bavarois, le XXIe et le XVe corps se fussent avancés sur la ligne de la Mortagne et de la Meurthe jusqu’aux Vosges, le général Dubail, après avoir replié son aile