Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et qui dirige, en ce moment, avec compétence et avec tact, les affaires extérieures. M. Delcassé ne dérogerait point en acceptant un autre ministère et, à un poste quelconque, il pourrait travailler, dans le cabinet, à l’œuvre commune. Mais il ne l’entend pas ainsi et il répète : « C’est au Quai d’Orsay que je suis attendu. »

Devant cette intransigeance, que va pouvoir faire Viviani ? Ce serait une criante injustice que d’exclure M. Doumergue. Viviani, assez gêné, lui fait part des exigences de Delcassé. « N’achevez pas, mon cher ami, répond M. Doumergue. Je sais ce que désire Delcassé. Qu’à cela ne tienne ! Je m’effacerai devant lui. Peut-être dira-t-on que j’ai été inférieur à ma tâche ; mais peu m’importe. Dans les circonstances où nous sommes, je servirai où l’on voudra. » Très ému de la dignité de cette réponse, j’en félicite M. Doumergue et je ne me retiens pas de l’embrasser.

A la fin de l’après-midi, tout s’arrange. Sous une réserve cependant. J’aurais voulu que la droite, elle aussi, fût représentée dans le cabinet. J’avais prononcé les noms de MM. Albert de Mun et Denys Cochin. Mais MM. Viviani et Malvy ont objecté que le Parlement ne comprendrait pas qu’on allât jusque-là. Pour le reste, on s’est mis d’accord. M. Bienvenu-Martin a, de très bonne grâce, accepté de passer au ministère du Travail. M. Doumergue, qui était tout prêt à se retirer, a été prié de prendre le portefeuille des Colonies et y a consenti. Quelques ministres ont dût être écartés, pour éviter la constitution du Conseil aulique dont s’effrayait Delcassé. Dans le nombre des éliminés, il s’en trouvera, par exception, un ou deux qui ne se résigneront pas volontiers à cette exclusion. Ils ne se