Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/215

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Vers deux heures, le colonel Pénelon m’apporte, du quartier général, des informations rassurantes. Les quatre corps d’armée allemands qui s’avancent en colonnes parallèles sur notre aile gauche et dont les avant-gardes ont déjà passé la Somme, paraissent s’être témérairement exposés. Ils ont à leur droite notre VIIe corps, qui vient de débarquer à Amiens et qui, avec les divisions de réserve, les divisions de cavalerie commandées par le général Sordet et quatre bataillons de chasseurs à pied, commandés par le colonel Serret, composent une nouvelle armée, la 6e, commandée par le général Maunoury. Les Allemands vont être attaqués sans retard par ces forces réunies.

Sur leur flanc gauche, ces quatre corps allemands ont toute l’armée du général Lanrezac. Malheureusement, cette armée est si fatiguée que le général Lanrezac avait exprimé le désir de la ramener, sans combattre, au sud de Laon et de la reconstituer là, en vue de nouveaux engagements. Joffre, qui ne veut, en ce moment, souffrir aucun retard, a considéré cette proposition comme un signe de défaillance. Il a donné au général Lanrezac l’ordre formel de prendre l’offensive dans la région de Guise ; il l’a expressément menacé de le faire fusiller en cas de désobéissance ou d’hésitation ; et il s’est porté lui-même, de sa personne, sur le théâtre des opérations. Il a, dit le colonel Pénelon, grand espoir en cette nouvelle bataille.

Toute la journée, les bruits les plus contradictoires viennent frapper mes oreilles. Un député de l’Aisne, du nom de Magniaudé, entre à l’Élysée en tenue de voyage ; mais, à la boutonnière de son veston, il a passé ses insignes parlementaires