Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/225

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de réunir provisoirement le Conseil dans une autre ville et de changer, par conséquent, non pas de domicile, mais de résidence. Les ministres ne se sont-ils pas souvent réunis hors de Paris : à Rambouillet, à Fontainebleau, à Pont-sur-Seine, au Havre ? M. Dubost ne conteste pas la justesse de mon observation. Il finit même par nous dire qu’il désire surtout, pour dégager sa responsabilité personnelle, que le gouvernement prenne sans retard, comme il en a le droit, un décret de clôture de la session extraordinaire et le débarrasse par là, lui président du Sénat, de l’ennui d’avoir, soit à convoquer la Haute Assemblée, soit à écarter des demandes individuelles de convocation. Viviani, Ribot, Sembat lui font remarquer que ce décret de clôture, s’il était pris immédiatement, alarmerait l’opinion. D’autre part, une convocation des Chambres, même avec l’ordre du jour le plus laconique, tel que « communication du gouvernement », donnerait lieu, sur le front comme à l’intérieur du pays, aux commentaires les plus variés et probablement les plus fâcheux. On pourrait supposer que le gouvernement est sur le point de demander la paix. Ce serait risquer de décourager nos troupes.

Les deux présidents partis, le Conseil décide que, dans les graves circonstances où nous sommes, il ne doit pas prendre sur lui la responsabilité de convoquer les Chambres. Viviani téléphone à Dubost pour lui annoncer cette décision. Au bout du fil, Dubost se fâche et, d’une voix courroucée, déclare qu’il va lui-même réunir le Sénat, si le gouvernement ne le couvre pas en me faisant signer hic et nunc le décret de clôture. Viviani essaie de lui montrer les inconvénients que présenterait