Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

front français. Sarrail a en face de lui le kronprinz impérial, auquel naturellement a été donné le commandement de troupes d’élite et si, aujourd’hui même, la marche des Allemands n’est pas arrêtée, c’en sera fait, sans doute, de ma ville natale…

Pendant que mon esprit et mon cœur sont au loin, je reçois, ce matin, à la préfecture de Bordeaux, un nouvel ambassadeur d’Espagne, le marquis de Valtierra, qui m’apporte ses lettres de créance, après une singulière aventure survenue à son prédécesseur, M. de Villa-Urrutia. Le 2 septembre, le roi d’Espagne, informé du départ possible du gouvernement français, avait télégraphié à M. de Villa-Urrutia : « J’ordonne à Votre Excellence de rester à Paris, quoi qu’il arrive. » En même temps, Alphonse XIII avait, comme je l’ai dit, chargé son ami M. Quiñones de Leon de nous accompagner à Bordeaux. Villa-Urrutia, ennemi hypocrite de la France, avait raconté à son gouvernement qu’avant notre départ, il était venu me saluer, ce qui n’était pas exact, et il avait ajouté qu’il m’avait dit : « Je regrette de n’être pas libre de vous suivre. Je regrette aussi qu’on puisse interpréter mon maintien à Paris comme une politesse à l’égard de l’empereur d’Allemagne. » Cc télégramme fantaisiste, communiqué au gouvernement espagnol, réuni sous la présidence du roi, avait provoqué, chez les ministres, une stupéfaction et une indignation générales, à raison du travestissement que M. de Villa-Urrutia semblait vouloir donner à la décision. Royale1. Sa Majesté avait fait dire à notre ambassadeur, par le ministre