Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/325

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et en amont de Soissons. Dans la région de Craonne, où les premières rencontres nous avaient été favorables, la crête du Chemin des Dames et la ferme de Heurtebise ont été prises, perdues, reprises et reperdues plusieurs fois dans de rudes combats à la baïonnette. À un siècle de distance, reviennent les mêmes noms de batailles et nos chefs peuvent rappeler à leurs hommes les brillants souvenirs des Marie-Louise, qui ont, eux aussi, enlevé, en mars 1814, cette ferme où le vent du boulet rivalise victorieusement avec la bise.

D’autre part, dans l’Est, des forces ennemies sorties de Metz et profitant, sans doute, du départ de l’armée Castelnau, se sont avancées, par la Woëvre, vers cette ligne des Hauts de Meuse qui espace du sud au nord, à la droite du fleuve, ses collines boisées, ses cols étroits et ses nombreux forts d’arrêt.

Préoccupé sans doute de notre immobilité, le grand-duc Nicolas Nicolaïevitch a insisté auprès du général de Laguiche pour connaître le plus tôt possible le plan d’opérations que le général Joffre compte adopter à la suite de notre victoire de la Marne. Il demande si nous voulons nous borner à rejeter l’ennemi hors de France ou si nous entendons le repousser jusqu’au cœur de l’Allemagne pour lui dicter la paix. Selon que le général Joffre se propose l’un ou l’autre de ces objectifs, le plan du grand-duc différera totalement4. Dans le second cas, mais dans celui-là seulement, il prendra ses dispositions pour marcher sur Berlin avec toutes ses troupes disponibles, dès que l’Autriche sera hors de cause. C’est un recul, par rapport aux