Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/426

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de paille. Maintenez, coûte que coûte, votre Ier corps là où il est. J’attaquerai moi-même, à droite et à gauche, avec des troupes françaises. » En parlant, il a pris une feuille de papier sur un bureau. Il y jette, à la hâte, quatre lignes où il précise sa pensée et il tend la note au maréchal. French la lit, réfléchit un instant, appelle un officier d’ordonnance et lui dit : « Allez porter cet ordre. » Le désastre est conjuré3. Les Allemands ont encore pu, il est vrai, enlever hier, 1er novembre, Messines et Wytschaëte, mais finalement l’ennemi est contenu. Foch me fait un grand éloge du courage de» Anglais ; mais, me dit-il, ils paraissent encore confondre un peu la guerre avec un grand sport et s’imaginer qu’on y est libre de choisir les heures de pause et les heures de combat. L’ennemi, lui, n’attend pas. Il est donc temps que nos alliés changent de méthode ou qu’ils reçoivent des troupes de relève. Kitchener lui-même, malgré son beau sang-froid, nous répète qu’il n’est pas sans éprouver quelque appréhension sur le sort de la petite armée britannique. Foch lui promet le concours des troupes françaises, mais il ajoute : « Envoyez-nous le plus tôt possible les divisions que vous formez. — Vous aurez un million d’hommes dans dix-huit mois, affirme Kitchener. — Dix-huit mois ! Je préférerais moins d’hommes arrivant plus tôt ». Mais le ministre anglais répond qu’il est obligé de tout prévoir : une tentative de débarquement des Allemands en Angleterre n’est pas impossible ; il faut bien conserver quelques forces dans l’île.