Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/432

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arrêtons à un campement de goumiers algériens. Ils sont installés dans des enclos, autour de grandes fermes. Ce sont de beaux hommes bruns, costumés de velours gris et coiffés de turbans ; ils ne paraissent pas trop souffrir de la saison et du climat. Je distribue des médailles militaires à ceux qui ont été proposés pour cette distinction et je remets la croix de la Légion d’honneur au colonel Dujonchet, qui commande ces goums. Pendant que je vais et viens au milieu des chevaux et des tentes, je suis reconnu par des paysans, et des enfants m’apportent des bouquets de chrysanthèmes. Fleurs de novembre, fleurs des morts. Sur combien de tombes déjà n’en avons-nous pas à jeter ?

Déjeuner avec Foch sur la hauteur de Cassel. Impossible de rêver un plus bel observatoire. De la salle où notre table est dressée, nous avons une vue splendide sur la plaine flamande qui s’étend à nos pieds, couverte de trente-deux villes et qui fut, de siècle en siècle, l’immuable théâtre de batailles diverses. Foch connaît à merveille les vainqueurs qui l’ont précédé à Cassel, de Robert le Frison à Philippe de Valois et à Monsieur, duc d’Orléans. Il n’ignore rien de l’histoire militaire et sa conversation est nourrie de souvenirs et de comparaisons qui révèlent une étonnante érudition. André Tardieu, le jeune et brillant député de Seine-et-Oise, aujourd’hui officier à l’état major de Foch, déjeune avec nous. Pendant le repas, un capitaine vient faire au général le rapport de la matinée. Les Allemands nous livrent un assaut terrible; mais nous tenons. Joffre, qui est resté auprès de nous, nous confirme qu’il ne désire plus le remplacement de French. Foch a pris sur le