Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/526

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allemand qui tombe, lancé par les batteries de Brimont ou de Nogent-l’Abbesse.

Le préfet a fait prier le maire et ceux des conseillers municipaux qui sont restés à Reims, malgré le danger quotidien qu’ils y courent, de vouloir bien se trouver vers midi à l’Hôtel de ville. Il leur a simplement annoncé la venue d’une haute personnalité militaire, qu’il n’a point nommée. Personne ne s’attend donc à mon arrivée. Par des faubourgs qui sont encore assez peuplés, mais dont la plupart des boutiques sont closes, nous nous rendons directement à l’Hôtel de ville. Dès que nous débouchons sur la place Louis XV, nous nous trouvons devant un horrible spectacle de ruine et de désolation.

Le docteur Langlet, maire, qui m’a si chaleureusement accueilli, le dimanche 19 octobre 1913, aux côtés de son sénateur Léon Bourgeois4, me reconnaît immédiatement et la joie illumine son visage. Je le félicite, ainsi que ses conseillers, de la conduite courageuse qu’ils n’ont cessé de tenir dans la ville bombardée. Je leur dis qu’après être venu parmi eux en des jours de fête, j’ai voulu leur apporter, en des jours d’épreuve, un témoignage de sympathie et d’admiration. La nouvelle de ma présence ne tarde pas à se répandre. Des habitants commencent à se grouper sur la place. Le préfet redoute que l’espionnage, qui, paraît-il, a dans Reims de mystérieux moyens d’action ne renseigne les Allemands sur ma venue et ne les détermine à un bombardement plus intensif. Il demande aux curieux de se disperser et il exprime le désir que seul le docteur Langlet nous accompagne à la cathédrale. Cette fois, je ne rencontrerai même pas