Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/551

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Après ce message, il m’en arrive peu à peu beaucoup d’autres, signés les uns des maîtres et des maîtresses, les autres des enfants eux-mêmes. Il m’en vient de Krüth, de Wesserling, de Saint-Amarin, de Masevaux, de Montreux-le-Vieux, de Montreux jeune, de Dannemarie, de Bitschwiller, de Chavannes-sur-1’Ëtang, d’autres communes encore, et tous sont conçus en termes délicats qui me laissent très ému. Pauvres petits écoliers qui ne savent pas encore s’ils seront demain Allemands ou Français et qui se tournent cependant vers nous avec confiance, comment aurions-nous le droit de tromper leurs espoirs ?

Je reçois M. Lebrun, député de Meurthe-et Moselle, qui était ministre des Colonies dans mon cabinet de 1912. C’est un des esprits les plus pondérés que je connaisse. Il est venu à Paris pour la session parlementaire. Il repart pour Verdun, où il sert comme officier d’artillerie et où je l’ai rencontré l’autre jour. « Le quartier général, me dit-il, continue à être très mal renseigné sur ce qui se passe au front. Il s’isole de plus en plus dans un optimisme excessif. On cache au gouvernement et au public une multitude de petits échecs qui suivent des tentatives imprudentes. Les fautes graves du début, folle offensive des Ardennes et de Charleroi, méconnaissance aveugle de l’utilité des tranchées, repos prématuré donné aux troupes après les trois jours de poursuite qu’a permis la bataille de la Marne, tout cela, qui aurait dû servir de leçon, est oublié, et on paraît prêt à recommencer, les cas échéant, des imprudences aussi graves. Sans que le gouvernement veuille commander, il doit, me semble-t-il, contrôler le commandement. » Sans doute, mais