Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/553

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absence obstinée. Viviani, Ribot, Marcel Sembat, l’accusent d’affecter une indifférence dédaigneuse pour le Parlement, de laisser dire autour de lui qu’on se passera des Chambres, et d’accepter de trop bon gré l’indépendance de l’état-major à l’égard du pouvoir civil.

Longue conversation, seul à seul, avec le général Gallieni. Je lui demande de me dire franchement quels sont pour demain ses désirs personnels. Il voudrait, me dit-il, être nommé commandant d’armée, de préférence en Alsace, comme Joffre le lui a offert. Mais il craint que la nomination ne se fasse attendre, Joffre n’ayant pas, en ce moment, assez de forces disponibles pour constituer en Alsace une armée distincte. D’autre part, comme il est naturel, Gallieni n’accepterait qu’un commandement d’une certaine importance, et il n’en voit pas de vacant. Il me parle de cette situation fausse avec un peu d’amertume, mais il ne laisse échapper aucune parole incorrecte ou déplacée. Je lui promets de faire tout ce qui dépendra de moi pour qu’il lui soit confié un emploi digne de lui.

Gallieni pense qu’il sera très difficile de percer le front ennemi et il n’attend pas grand résultat des offensives en cours. Elles ont totalement échoué aux environs d’Arras et ne paraissent guère plus heureuses devant l’armée de Langle de Cary.

Voici déjà qu’arrivent les vœux de nouvel an. J’en reçois aujourd’hui de très cordiaux du roi Alphonse XIII et du roi Victor-Emmanuel III. Mais ce sont des télégrammes qui affectent un caractère personnel et ne s’adressent qu’à moi. Le nom de la France n’y est même pas prononcé.