Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

occupés à un Kriegspiel. » Un peu choqué de cet optimisme systématique, je ramène l’officier à l’affaire de Mulhouse. Elle s’est vraiment achevée en défaite et il le reconnaît. Nous avons été trompés par des renseignements inexacts ou incomplets de nos aviateurs. Ils avaient cru la plaine libre de troupes ennemies, alors que la forêt de la Hardt en était bondée. Après avoir avancé sans effort, dans la plaine, en aval de Mulhouse, nous avons été forcés de battre en retraite. Nous avons évacué Cernay. Nous avons même, semble-t-il, reculé de Thann dans la vallée de la Thur, jusqu’à Saint-Amarin et au delà. Nous ne tenons plus qu’une partie de la vallée de la Doller, Altkirch et un coin du Sundgau. Les Allemands viennent même de rentrer à Massevaux. Que doivent penser tous ces pauvres gens qui avaient si joyeusement accueilli nos soldats ? Nous nous sommes emparés, il est vrai, des cols de Braques et de Saales ; mais c’est une maigre compensation. La défaite militaire est, sans doute, réparable. Comment réparerons-nous la défaite morale ?

L’échec de notre VIIe corps n’a pas, du reste, troublé le magnifique équilibre du général Joffre. Il prépare pour les jours prochains une offensive générale. Le général Dubail a reçu aujourd’hui même l’ordre de commencer, dès le 14, le mouvement de la 1re armée. Le 15 et le 16, s’ébranleront, parait-il, à leur tour, la 3e, la 4e et la 5e. Je passe les heures dans une attente un peu fébrile, sans sortir de l’Élysée, où se succèdent continuellement ministres, sénateurs, députés, officiers de passage. Le seul exercice que je me permette est la courte promenade que nous faisons, chaque jour, Mme Poincaré et moi, entre les grilles du jardin,