Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 6, 1930.djvu/58

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là, nous gagnons le tunnel qui coupait la frontière de 1871 et nous pénétrons en Alsace. Me voici de nouveau sur la jolie route que Mme  Poincaré et moi nous avons suivie, jadis, après avoir quitté, à Létraye, la maison de nos amis M.  et Mme  Maurice Bernard, pour nous rendre, par Mulhouse, en Italie et en Grèce. Nous descendons la pittoresque vallée d’Urbès, où coule un petit affluent de la Thur.

Au village même d’Urbès, nous mettons pied à terre. Je passe en revue un escadron de chasseurs à cheval, celui qui a, au mois d’août, pénétré dans Colmar : heure d’espoir, si vite envolée. Je parcours à pied la grande rue. Les habitants me saluent avec un empressement joyeux et agitent leurs mouchoirs. Nous arrivons à Wesserling. Dans l’avenue de tilleuls qui conduit à l’ancien château des abbés de Murbach, reconstruit en 1786 et occupé aujourd’hui par les propriétaires des filatures Gros, Roman et Cie, sont rangés des chasseurs. Nous sommes reçus par le général Serret, notre ancien attaché militaire à Berlin, qui, depuis le 5 janvier dernier, a commandé en Alsace un groupe de cinq bataillons alpins, les 7e, 14e, 24e, 27e et 13e et qui vient d’être appelé au commandement de la 66e division, composée de ce groupe et de deux autres brigades[1]. Les habitants du château et la population de Wesserling nous accueillent par des vivats enthousiastes. Je passe les chasseurs en revue, puis ils défilent devant moi, le long de l’avenue, en face du château. Sur le bâtiment principal, flottent deux vieux drapeaux tricolores, qui datent d’avant 1870 et que les pro-

  1. V. Vie et mort du général Serret par Henry Bordeaux, librairie Plon, p. 120 et s.