Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 6, 1930.djvu/86

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vivacité que des interventions plus pressantes auprès du général en chef amèneraient une démission qui jetterait le trouble dans le pays et dans l’armée.

La sensibilité de Viviani est mise, sans doute, à de rudes épreuves quotidiennes. Comme président de la commission des affaires extérieures du Sénat, Freycinet vient de le convoquer, ainsi qu’Augagneur et Delcassé, pour les interroger sur l’attaque des Dardanelles. La commission voudrait savoir pourquoi la France a abandonné à l’Angleterre le commandement de l’opération et comment les Alliés comptent déterminer pour l’avenir le régime de Constantinople. « Autant négocier sur le forum, me dit Viviani. Les sénateurs sont, en ce moment, moins sages que les députés. Poussés par Clemenceau, ils cherchent constamment noise au ministère et empiètent sur les attributions du pouvoir exécutif. » La vérité est que les séances publiques étant assez rares, les commissions permanentes s’attribuent de plus en plus les prérogatives des assemblées. Au surplus, Viviani, fort inquiet avant sa comparution, revient, tout joyeux, après avoir été entendu. Les explications qu’Augagneur, Delcassé et lui, ont données à Freycinet et à ses collègues ont été très bien accueillies. Pour l’avenir, ils se sont bornés à dire que l’Angleterre et la Russie sont d’accord avec nous sur la liberté des détroits. Pour le présent, ils ont exposé que l’entreprise commencée a bien pour objectif la percée des Dardanelles et qu’elle sera poursuivie jusqu’à l’arrivée devant Constantinople. Freycinet a déclaré nettement qu’il n’admettait pas l’hypothèse d’un échec. « Ne soyons pas trop optimistes, dis-je à Viviani. Vous savez que l’amirauté britannique