Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 6, 1930.djvu/90

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savante manœuvre de l’ennemi[1]. Nous avons la maîtrise de la mer. Que l’Allemagne essaie de nous l’enlever, rien de plus naturel. Mais les États-Unis peuvent-ils, sans sortir de la neutralité, nous priver eux-mêmes de cette supériorité ?

Le vendredi 26, le baron Guillaume, ministre de Belgique, m’est envoyé par son gouvernement. Celui-ci prépare un Livre gris où doivent figurer certains documents d’avant guerre, qui sont dans les archives de Bruxelles comme dans celles de la légation et que les Allemands ont, par conséquent, sous la main. Le baron Guillaume me demande si je verrais un inconvénient à ce qu’on insérât dans le Livre gris le compte rendu de deux conversations qu’il a eues avec moi au Quai d’Orsay aux mois de juin et de novembre 1912[2]. Bien que ces deux pièces contiennent quelques erreurs de détail, je suis d’avis de les laisser publier, mais le Conseil des ministres, consulté par moi, préfère qu’elles ne soient pas actuellement reproduites. Il résulte, en effet, de ce que j’ai dit au baron Guillaume, que dès 1912, sur la foi des renseignements de notre état-major, je m’attendais, en cas de guerre, à une violation de la neutralité belge par l’Allemagne. J’avais déclaré au ministre que jamais la France ne troublerait la paix, que jamais non plus elle ne porterait atteinte à cette neutralité, et j’avais ajouté, d’après le baron Guillaume : « Il n’y aurait pas un seul député au Parlement pour voter une guerre d’agression. J’ai aussi la plus grande confiance dans l’esprit pacifique de l’em-

  1. De M. Delcassé à Londres, n° 621, — De M. Delcassé à Washington, n° 132. — De Londres, n° 350. — De Washington, n° 154.
  2. Lettre du 6 juin 1912. N° 50S6/1798. — Lettre du 24 novembre 1912, n° 9944/3486.