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des obus et il est occupé à réparer les dégâts. Les hommes semblent heureux de nous voir. Les chefs nous disent tous que le moral est excellent. Dans la nuit qui tombe de bonne heure, nous rentrons à Villers-Bretonneux ; nous dînons dans le train, Roques, Joffre et moi. Joffre, toujours confiant et, en outre, ce soir, plein d’appétit.

Mardi 3 octobre.

Bourgeois me dit : « En lisant les instructions de Briand à Guillemin, Freycinet m’a déclaré tout net : « Je donne ma démission. » Je lui ai promis de voir Briand. Mais dimanche, Briand était absent ; je ne l’ai vu que lundi, sans avoir pu moi-même prendre connaissance de ses instructions. J’ai cependant proposé quelques formules qui ont paru lui plaire et qu’il s’appropriera. Petit progrès, mais progrès quand même. »

En Conseil, Briand laisse de nouveau paraître son embarras. Il donne des explications vagues et spirituellement contradictoires. Le Conseil tout entier éprouve une impression de malaise dont plusieurs ministres, entre autres Léon Bourgeois et Painlevé, me font part à la sortie. L’amiral Lacaze insiste sur l’urgence qu’il y a à prendre des mesures de sécurité pour notre armée de Salonique. Briand l’interrompt à plusieurs reprises, se répand en considérations volontairement obscures, cherche des diversions et finit par obtenir que rien ne soit décidé.

L’heure sonnera bientôt où je serai dans l’obligation de mettre à la tête du gouvernement un homme qui sacrifiera tout à la guerre et qui saura vouloir. Fût-il Clemenceau, fût-il mon pire adversaire, je l’appellerai pour l’action.


Le samedi 7 octobre, j’ai à déjeuner Dubost, Deschanel, avec Briand, Freycinet, Bourgeois, et