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RAYMOND POINCARÉ

remercié vivement. MM. les ministres de Russie et d’Angleterre m’ont témoigné leur satisfaction que j’aie donné cette assurance au ministre belge des Affaires étrangères. »

Le soir même, M. Klobukowski télégraphie que, par mesure de prudence, le gouvernement belge a, lui aussi, décidé la mobilisation.

Le Luxembourg n’est pas plus rassuré. On y est convaincu qu’en décrétant le Kriegsgefahrzustand l’Allemagne procède déjà à la mobilisation générale. Les trains sur Metz sont supprimés. M. Eyschen, ministre d’État, se rend à notre légation. Il vient prier M. Mollard de demander au gouvernement français une déclaration officielle, assurant qu’en cas de conflit la France respectera la neutralité du Luxembourg. « Avez-vous reçu une déclaration analogue du gouvernement allemand ? interroge M. Mollard. — Je vais la demander au ministre d’Allemagne. » M. Eyschen se rend, en effet, à la légation d’Allemagne et revient peu de temps après à la légation de France. Il s’est plaint à M. von Buch des mesures de suspicion prises par l’Allemagne contre un voisin neutre : ponts de Schengen et de Renich sur la Moselle, fermés avec des voitures ; pont de Vormeldange barré avec des cordes. Les Allemands ne laissent plus sortir de leur territoire ni blé, ni bétail, ni autos. Le ministre d’Allemagne a promis que la circulation serait rétablie le jour, mais interdite la nuit. Pour la neutralité, il a répondu : « Cela va de soi, mais il faudrait que le gouvernement français prît le même engagement. »

Nous nous empressons de promettre au Luxembourg ce que M. Klobukowski a déjà promis à la Belgique. Le gouvernement français ne songe guère à envahir des territoires voisins. Ses armées restent toujours, l’arme au pied, à dix kilomètres en deçà de nos frontières.

Comme je l’ai dit, le Conseil des ministres se réunit, une fois encore, dans la soirée. Il prend connaissance des plus importantes de toutes ces communications. Il apprend successivement la mobilisation autrichienne et la mobilisation russe. M. Viviani lui lit également, avec une visible satisfaction, des télégrammes de M. Barrère. Le marquis de San Giuliano a confié, sous le sceau du secret, à notre ambassadeur que le gouvernement italien serait porté à considérer l’attaque de l’Autriche et de la Serbie comme un acte d’agression de nature à libérer l’Italie des obligations de la Triple-Alliance, contractées en vue de la défensive et parfaitement conciliables avec nos accords de 1902. Le marquis de San Giuliano a toutefois ajouté, avec une finesse digne de M. Tittoni, que cette abstention de l’Italie était naturellement subordonnée à la sagesse dont feraient preuve la France et la Russie.