Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/123

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Est-ce là une vérité qui s’impose à priori à l’esprit ? S’il en était ainsi, comment les Grecs l’auraient-ils méconnue ? Comment auraient-ils pu croire que le mouvement s’arrête dès que cesse la cause qui lui avait donné naissance ? ou bien encore que tout corps, si rien ne vient le contrarier, prendra un mouvement circulaire, le plus noble de tous les mouvements ?

Si l’on dit que la vitesse d’un corps ne peut changer, s’il n’y a pas de raison pour qu’elle change, ne pourrait-on soutenir tout aussi bien que la position de ce corps ne peut changer, ou que la courbure de sa trajectoire ne peut changer, si une cause extérieure ne vient les modifier ?

Le principe d’inertie, qui n’est pas une vérité à priori, est-il donc un fait expérimental ? Mais a-t-on jamais expérimenté sur des corps soustraits à l’action de toute force, et si on l’a fait, comment a-t-on su que ces corps n’étaient soumis à aucune force ? On cite ordinairement l’exemple d’une bille roulant un temps très long sur une table de marbre ; mais pourquoi disons-nous qu’elle n’est soumise à aucune force ? Est-ce parce qu’elle est trop éloignée de tous les autres corps pour pouvoir en éprouver aucune action sensible ? Elle n’est pas cependant plus loin de la terre que si on la lançait librement dans l’air ; et chacun sait que dans ce cas elle subirait l’influence de la pesanteur due à l’attraction de la terre.

Les professeurs de mécanique ont l’usage de passer rapidement sur l’exemple de la bille ; mais