Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/142

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Mais, en somme, qu’avons-nous fait ? Nous avons défini la force à laquelle le fil est soumis par la déformation subie par ce fil, ce qui est assez raisonnable ; nous avons admis ensuite que si un corps est attaché à ce fil, l’effort qui lui est transmis par le fil est égal à l’action que ce corps exerce sur ce fil ; en définitive, nous nous sommes servis du principe de l’égalité de l’action et de la réaction, en le considérant, non comme une vérité d’expérience, mais comme la définition même de la force.

Cette définition est tout aussi conventionnelle que celle de Kirchhoff, mais elle est beaucoup moins générale.

Toutes les forces ne sont pas transmises par des fils (encore faudrait-il pour qu’on pût les comparer qu’elles le fussent toutes par des fils identiques). Si l’on admettait même que la terre est attachée au soleil par quelque fil invisible, du moins conviendrait-on que nous n’avons aucun moyen d’en mesurer l’allongement.

Neuf fois sur dix, par conséquent, notre définition serait en défaut ; on ne pourrait lui attribuer aucune espèce de sens, et il faudrait en revenir à celle de Kirchhoff.

Pourquoi alors prendre ce détour ? Vous admettez une certaine définition de la force qui n’a de sens que dans certains cas particuliers. Dans ces cas vous vérifiez par l’expérience qu’elle conduit à la loi de l’accélération. Autorisés par cette expérience, vous prenez ensuite la loi de l’accélération comme définition de la force dans tous les autres cas.